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catholique, rue de Vaugirard. Église aristocratique, toute dorée, fleurie, un flamboiement de lustres, et personne. Rien que la noce sur un seul rang de chaises, écoutant Monseigneur Adriani, le nonce du pape, baragouiner une interminable homélie qu’il lisait, tout imprimée, dans un cartulaire à enluminures. Et c’était beau, ce prélat mondain, son grand nez, sa lèvre mince, les épaules étriquées sous sa pèlerine violette, parlant « des traditions d’honneur de l’époux, des grâces juvéniles de l’épouse » avec un regard de côté, farceur et noir, qui tombait sur les prie-Dieu en velours du triste couple. Puis la sortie, de froids saluts échangés entre les arcades du petit cloître, et le soupir soulagé de la duchesse, son « C’est fini, mon Dieu ! » avec l’intonation désespérée de la femme qui a mesuré le gouffre et s’y jette les yeux ouverts, pour tenir un engagement d’honneur.

« Ah ! du sombre, du lamentable, continuait Védrine, j’en ai vu dans mon existence, mais rien de plus navrant que ce mariage de Paul Astier !

— Fier gredin tout de même, notre jeune ami ! dit Freydet entre ses dents.

— Oui, un de nos jolis strugforlifeurs ! »

Le sculpteur répéta le mot en l’accentuant : « Struggle-for-lifeurs ! » désignant ainsi cette race nouvelle de petits féroces à qui la bonne