Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désigné, et chaque tressaut de la solide voiture de louage sur le cailloutis de la place laissait voir un significatif et long fourreau de serge verte débordant de la capote rabattue. Pour sa rencontre avec d’Athis, Paul avait choisi comme témoins, d’abord le vicomte de Freydet, indiqué par le titre et la particule, puis le comte Adriani ; mais la nonciature s’inquiétant de ce nouveau scandale après celui de la barrette, il avait dû remplacer le jeune Pepino par le sculpteur qui, peut-être au dernier moment, consentirait à s’avouer marquis sur le procès-verbal des journaux. Du reste, rien de sérieux, en apparence : une altercation au cercle, à la table de jeu où le prince était venu s’asseoir une dernière fois avant de quitter Paris. Les choses inarrangeables, surtout par la difficulté de mettre les pouces avec un gaillard comme Paul Astier, très coté dans les salles d’armes et dont les cartons s’encadraient en vitrine au tir de l’avenue d’Antin.

Pendant que la voiture stationnait à la terrasse du restaurant sous les regards entendus et discrets des garçons, on vit débouler d’une ruelle en pente un gros court, guêtres blanches, cravate blanche, chapeau de soie et grâces frétillantes de médecin de ville d’eaux, qui, de loin, faisait des signes avec son ombrelle. « Voilà Gomès… » dit Paul, Docteur Gomès, ancien interne des hôpitaux de