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dans un sonore roulement de claques à même, le prince encourageant le garçon de douche : « Plus fort, Joseph… plus fort… N’ayez pas peur. » Ah ! il en prenait, des forces, le bandit.

Paul Astier qui, aux premiers mots de Lavaux, avait franchi le couloir pour mieux entendre, fut pris d’une envie folle, enfoncer d’un coup de pied la porte du prince, sauter dessus, s’expliquer brutalement avec ce misérable qui lui enlevait la fortune des mains. Tout à coup il se vit nu, trouva sa colère inopportune et rentra s’habiller, se calmer un peu, comprenant qu’il devait avant tout causer avec sa mère, savoir exactement où en étaient les choses.

Par exception, sa boutonnière resta vide, ce soir-là, et pendant que des yeux de femmes, au mouvement désœuvré des voitures en file, cherchaient le joli jeune homme dans l’allée habituelle, il roulait vivement vers la rue de Beaune. Corentine le reçut, les bras nus, en souillon, profitant de l’absence de madame pour faire un grand savonnage.

« Où dîne ma mère, savez-vous ? » Non. Madame ne lui avait rien dit ; mais monsieur était là-haut à fourrager dans ses papiers. Le petit escalier des archives criait sous le pas lourd de Léonard Astier :

« C’est toi, Paul ? »