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procès célèbre, ni incident politique, où l’enterrement à fracas du secrétaire perpétuel serait l’unique distraction de Paris.

Pour midi, la messe noire ; et, bien avant l’heure, un monde énorme affluait autour de Saint-Germain-des-Prés, la circulation interdite, les seules voitures d’invités ayant droit d’arriver sur la place agrandie, bordée d’un sévère cordon de sergents de ville espacés en tirailleurs. Ce qu’était Loisillon, ce qu’il avait fait dans ses soixante-dix ans de séjour parmi les hommes, la signification de cette majuscule brodée d’argent sur la haute tenture sombre, bien peu la savaient dans cette foule uniquement impressionnée par ce déploiement de police, tant d’espace laissé au mort ; — toujours les distances, et du large et du vide pour exprimer le respect et la grandeur ! Le bruit ayant couru qu’on verrait des actrices, des gens célèbres, de loin la badauderie parisienne mettait des noms sur des visages reconnus, se groupant et causant devant l’église.

C’est là, sous le porche drapé de noir, qu’il fallait entendre l’oraison funèbre de Loisillon, la vraie, non pas celle qui serait prononcée tout à l’heure à Montparnasse, et le vrai feuilleton sur l’œuvre et sur l’homme, bien différent des articles préparés pour les journaux du lendemain. L’œuvre : un « Voyage au Vol d’Andorre » et