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disait le verset de la Sulamite écrit au-dessus d’eux dans le marbre du mur…

Quand la princesse rentra rue de Courcelles où Mme Astier l’attendait, elle pleura longtemps sur son épaule, passée des bras du fils dans ceux de la mère, aussi peu sûrs l’un que l’autre, avec un débord de plaintes, de paroles entrecoupées : « Ah ! mon amie, que je suis malheureuse… si vous saviez… si vous saviez… » Son désespoir était grand autant que son embarras devant cette inextricable situation, formellement promise au prince d’Athis et venant de s’engager avec ce charmeur, cet envoûteur qu’elle maudissait de toute son âme. Mais le plus cruel, c’était de ne pouvoir confier sa faiblesse à l’amie tendre, car elle pensait bien qu’au premier mot d’aveu la mère se mettrait avec son fils contre Samy, pour le cœur contre la raison, la contraindrait peut-être à ce mariage de roture, à cette déchéance impossible.

« Ben quoi !… ben quoi ! disait Mme Astier sans s’émouvoir à ces explosions désolées… Vous venez du cimetière, j’imagine ; vous vous êtes encore monté la tête… Voyons, à la fin des fins, ma pauvre Artémise… » et connaissant les côtés vaniteux de cette nature, elle raillait ces démonstrations prolongées, ridicules aux yeux du monde, et pour le moins enlaidissantes. Encore s’il s’agissait d’un nouveau mariage d’amour ! mais c’était