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les un tel… » de la même exclamation surprise et presque joyeuse dont elle saluait une voiture au bois. « Mario !… était-ce le chanteur ?… » toujours pour feindre d’ignorer l’étreinte de leurs deux mains.

Mais la porte d’un caveau grinça près d’eux, quelqu’un se montra, une grosse dame en noir, ronde et fraîche, qui portait un petit arrosoir, faisait son ménage mortuaire, soignait le jardinet, la chapelle, tranquille comme à la campagne dans un cabanon marseillais. Par-dessus l’entourage, elle les salua d’un bon sourire affectueux et résigné qui semblait dire : « Allez, aimez-vous, la vie est courte, il n’y a que cela de bon. » Gênées, leurs mains se décroisèrent ; et subitement allégée du mauvais charme, la princesse passa devant, un peu confuse, prit au plus court à travers les tombes pour joindre plus vite le mausolée du prince.

Il occupait, tout en haut de la « vingtième, » un vaste terre-plein gazonné et fleuri que fermait une grille en fer forgé, basse et lourde, dans le sentiment de la grille du tombeau des Scaliger, à Florence. L’aspect général, ainsi voulu, était trapu et fruste, bien la tente primitive à gros plis rudes de toile passée au tanin dont la pierre dalmate donnait les tons rougeâtres. Trois larges degrés de cette même pierre, puis la baie s’ouvrait, flan-