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ces faiblesses, trop élevée aussi pour d’avilissantes questions d’argent. Alors, quoi ? Mais pour expliquer le mystère de cette nature étrange, de ce cœur fermé comme un temple en semaine, livré au vide, au silence des lieux de prière déserts, il aurait fallu connaître l’histoire de cette Jeanne Châtelus, l’ancienne élève du Bourlon.

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Elle était Lyonnaise, fille d’un riche marchand de soie, Châtelus et Treilhard, une des plus importantes maisons de la ville ; née aux Brotteaux, en face de ce grand Rhône, qui, si vif et si joyeux lorsqu’il entre dans Arles ou Avignon, au carillon des cloches et des cigales, emprunte aux brumes lyonnaises, au ciel lourd ou rayé de pluie, la couleur terne de ses eaux, sans rien perdre de sa violence, et reflète bien cette race emportée et froide, au caractère de volonté et de mélancolique exaltation. La nature de Jeanne était de ce pays, développée encore par le milieu et les circonstances.

La mère étant morte jeune, le père, tout à son commerce, avait confié l’éducation de l’enfant à une vieille tante, d’un protestantisme étroit, exagéré,