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la cour immense, faisant le service entre la maison de Paris et les affineries de Petit-Port. Au fond, sur le large perron en pierre, se tenait le frère de madame, le vieux Becker, la plume à l’oreille, notant les arrivées et les envois des lingots expédiés dans des caisses de plomb, – car les Autheman étaient marchands d’or en ce temps-là, et fournissaient de matière brute tous les bijoutiers de France, – tandis que dans les vastes salons du rez-de-chaussée aux murs tout vaporeux de peintures mythologiques, la vieille femme juchée sur un bureau à forme de chaire, en taille, en chapeau, strictement gantée, avec le perchoir de sa perruche à côté d’elle, surveillait de haut les guichets, les balances, à l’achat comme à la vente, et criait à quelque commis, de sa voix dure et sifflante, dominant le bruit de l’or, les discussions du trafic : « Moïse, refais ton compte… tu as dix centigrammes de trop. »

Mais tout cela est bien changé depuis qu’à la mort de la mère ont disparu de chaque côté de la grande porte les plaques de marbre noir incrustées d’or : MAISON AUTHEMAN FONDÉE EN 1804. – VENTE ET ACHAT D’OR BRUT. Aujourd’hui, la maison ne fait