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vrai qu’elle est stupide, la prière de cette dame ; mais ce n’est pas encore cela qui nous empêchera de nous aimer. »

Elles échangèrent une de ces confiances de regard comme en ont seulement les êtres liés par le sang.

« N’importe, » dit Lina, toujours irritée, « ces folies sont contagieuses et peuvent faire beaucoup de mal… sur de jeunes têtes, des âmes faibles…

– Je suis un peu de l’avis de mademoiselle, » dit Lorie, « quoique cependant… »

Mme Ebsen haussait les épaules. « Laissez donc… qui est-ce qui lit ces choses-là ? » Ça n’avait pas plus d’importance que les petites brochures anglicanes qu’on distribue dans les Champs-Élysées comme des prospectus d’habillement ou de restaurants à prix fixe. Puis aussi le côté affaires. On ne se gênait pas avec Lorie. Eh bien ! à trois sous la prière, il y avait de l’argent à gagner. Elles s’y mettraient à elles deux ; après ce volume-là, bien sûr on en aurait d’autres, et, quand on n’était pas riche, il ne fallait pas dédaigner un surcroît de gain, de quoi payer le trousseau de Lina, lorsqu’elle se marierait.