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montraient ses camarades pour cette vocation glorieuse, surtout pour sa casquette d’aspirant, une idée de la mère ; puis quand cela devint sérieux, quand il vit arriver les mathématiques, la trigonométrie, aussi peu de son goût que l’Océan et les aventures, sa légende était faite, partout on l’appelait le marin, il n’osa plus protester. Dès lors, sa vie fut empoisonnée. Il prit cet air lamentable, abruti, affaissé sous la menace du Borda dont tout le monde le bombardait ; son nez s’allongea sur les équations, les épures, les figures graphiques et géométriques de gros livres préparatoires trop forts pour lui, et il resta à perpétuité le futur élève de Navale, terrifié de tout ce qu’il devrait apprendre pour y entrer, plus épouvanté encore à l’idée que peut-être on pourrait l’y recevoir.

Malgré tout, le goût de son enfance persistait ; et jamais il n’était plus content que lorsque Fanny lui disait : « Fais-moi un bateau. » En ce moment, il en construisait un superbe, un sloop comme le bassin du Luxembourg n’en aurait pas encore vu, et travaillait avec ardeur, tous ses outils sur l’appui de la fenêtre, marteau, scie, varlope, que la petite sœur lui passait à mesure,