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Algériens, habitués au grand air et qui si longtemps avaient vécu derrière leurs volets clos cachant la détresse du logis, ouvraient la fenêtre toute grande au ras de la rue, sans réfléchir que, d’une enjambée, on serait chez eux. Quelle crainte avoir d’une rue aussi paisible, où dormaient les chats au soleil, où les pattes roses des pigeons grattaient entre les pavés ? Puis on était fier de se montrer, maintenant qu’on avait des lits, des chaises, une armoire, des étagères pour les cartons et les livres.

De l’ancien mobilier transformé par Sylvanire en bois de chauffage, il ne restait plus qu’une ou deux caisses dans lesquelles l’élève du Borda taillait des bâtiments à voiles et à rames. C’était sa façon de se préparer à Navale, à ce jeune homme. Il tenait de Romain ce goût des constructions nautiques ; et de bonne heure, Lorie-Dufresne, qui voulait voir là l’indice d’une vocation, avait pris l’habitude, les soirs de réception à la sous-préfecture, quand les petits venaient au salon, de présenter son fils : « Voilà notre marin… » ou de lui crier d’un air triomphant : « Hein ! Maurice, le Borda !… »

D’abord, l’enfant fut enchanté du respect que