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morfondait tout seul à la loge, dans le grand lit de l’administration. Après des mois de ce régime sévère, à peine égayé de quelques douceurs, la débâcle du patron était venue, l’ordre à Sylvanire d’amener Maurice et Fanny.

« Eh ben, et moi ? » demanda Romain en ficelant les caisses.

« Vois ce que tu veux faire, mon pauvre homme… Moi, toujours, je m’en vas. »

Ce qu’il voulait, parbleu, c’était vivre avec elle, être ensemble !… et du moment qu’elle lui promettait qu’à Paris, monsieur les prendrait tous deux, qu’on serait tout à fait en ménage, il renonçait à sa place sans regret.

Quand il arriva rue du Val-de-Grâce, devant le geste éloquent de Sylvanire lui montrant les petits, la misère, les caisses en tas, le pauvre mari ne trouva qu’un mot : « Cré cochon, ma femme !… » C’est pour le coup qu’on n’allait pas être ensemble. Plus besoin de cocher, ici, ni de jardinier, ni même de maître d’hôtel. « Sylvanire nous suffit pour le moment… » déclara M. Lorie de son air impérial, et il l’engagea à se chercher quelque chose au dehors, tout ceci n’étant, bien entendu, que transitoire. D’ailleurs, comme elle