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de longues mains plates, dures, comme on en voit jointes et tendues dans les tableaux primitifs.

Mme Ebsen intervenait quelquefois : « Mais, ma bonne Henriette, pourquoi continuer ce métier d’éleveuse d’enfants, puisqu’il vous ennuie ? Pourquoi ne pas retourner chez vos parents ? Ils sont vieux, dites-vous, ils sont seuls, votre mère est infirme, vous l’aideriez à son ménage… le linge, un peu de cuisine…

– Autant me marier, alors, » interrompait Henriette vivement… « Merci ! je ne suis pas une ménagère, moi ; et j’ai horreur de toutes ces besognes basses qui n’occupent que les doigts.

– On peut toujours penser… », disait Éline. Mais l’autre, sans écouter : « D’ailleurs, ma famille est pauvre, je lui serais à charge… puis ce sont des paysans, incapables de me comprendre. »

Sur ce mot, Mme Ebsen s’indignait :

« Les voilà bien, ces papistes, avec leurs couvents. Ce n’est rien d’arracher aux parents leurs filles, leurs garçons, les soutiens naturels de leur vieillesse, il faut encore tuer chez eux jusqu’au souvenir, jusqu’au sentiment de la famille.