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 non » lui coûtait. Depuis, les relations n’avaient plus été les mêmes. Mme Aussandon évitait ces dames, on se saluait, mais on ne se visitait plus, et les soirées du dimanche y perdaient un peu de leur animation ; car le vieux doyen était très gai, et « Bonne » avait un terrible coup de trompette, qui secouait tout le salon, surtout quand Henriette Briss se trouvait là et discutait théologie.

C’était, cette Henriette Briss, une vieille fille de trente à trente-cinq ans, Norvégienne, catholique, qui, après un séjour d’une dizaine d’années dans un couvent de Christiania, avait dû en sortir à cause de sa mauvaise santé, et, depuis lors, essayait de rentrer dans ce qu’elle appelait la vie mondaine. Habituée à la règle, à la dépendance muette, ayant perdu tout sentiment d’initiative ou de responsabilité, elle allait à travers les choses et les êtres, effarée, déroutée, poussant des cris de plainte et d’appel, comme un oiseau tombé du nid. Pourtant, elle était intelligente, instruite, parlait plusieurs langues, ce qui lui avait valu de se placer comme gouvernante en Russie, en Pologne, dans des familles riches ; mais elle ne restait nulle part, froissée, choquée