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sans rideaux ni meubles, où des piles de livres en loques, des cartons verts crevés débordant de paperasses, s’entassaient dans tous les coins.

Par ci par là, quelques ustensiles de cuisine, deux ou trois matelas roulés, et une foule de caisses de toute dimension, montrant un fouillis de vieux effets et de linge, ou complètement vides et suppléant au mobilier. L’une d’elles retournée servait de table avec des « fragile » aux quatre coins parmi les assiettes, le croûton de pain, l’angle de fromage du récent déjeuner ; une autre tenait lieu de lit à la fillette qui grelottait entre ces planches, pâle et le nez pincé comme une petite morte dans sa bière, pendant qu’à côté d’elle l’élève du Borda sanglotait sous sa casquette triomphante.

La distribution de l’appartement était la même qu’au premier étage ; et la comparaison de leur petit salon coquet, paré, de leurs chambres bien chaudes avec ce chenil, navrait Éline comme un remords. On peut donc vivre à côté de détresses pareilles sans les soupçonner. En même temps, elle se rappelait les belles façons du fonctionnaire et le ton dégagé dont il avouait, en jouant avec son lorgnon, qu’il leur manquait bien des