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depuis ma maladie. L’argent s’épuise aussi ; encore quelques mois je n’en aurai plus, et alors que devenir ? Ô ma petite chérie, je t’attends à genoux. Ce n’est plus ta mère qui te prie, c’est une vieille femme bien malheureuse…

La réponse fut une carte postale au timbre de Jersey, ouverte et lisible à tous :

Je suis profondément peinée, ma chère mère, des mauvaises nouvelles que tu me donnes de ta santé ; mais je me console en songeant que ces épreuves te rapprochent de Dieu chaque jour. Quant à moi, c’est de ton salut éternel et du mien que je m’occupe. Il faut que je vive loin du monde et que je me garde du mal.

Cruauté des cruautés, ce témoignage à l’Évangile affranchi ! Ainsi plus d’intimité permise, plus de mots à l’oreille, de larmes inentendues. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient fait de sa fille. Je me garde du mal. Sa mère était le mal.

« Allons, je n’écrirai plus… Elle est perdue pour moi… »

Et de sa grosse écriture, la mère mit en travers de l’adresse : Dernière lettre de mon enfant.

*

« Madame Ebsen !… Madame Ebsen !… »