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« Tu t’excites trop, voyons…

– Comment veux-tu ?… Un si grand malheur, une telle injustice… Il me fait pitié, ce pauvre Lorie.

– Oh ! celui-là… » dit-elle avec le geste de sa rancune contre l’homme qu’on avait un moment préféré à son fils.

« Mais la mère !… Cette mère qui ne peut pas même savoir où est son enfant… Te vois-tu, toi, en face de cette femme et de son silence que la lâcheté des hommes autorise ?… Que ferais-tu ?

– Moi ? Je lui mangerais la tête… »

Ce fut dit, envoyé avec un si terrible coup de mâchoire en avant, que le doyen se mit à rire, et, encouragé par la colère de sa femme :

« Oh ! mais, ils n’ont pas fini avec moi… Rien ne m’empêchera de parler, de les dénoncer à la conscience publique… Quand je devrais y perdre ma place… »

Un mot malheureux, et qui tout à coup rappelait la ménagère au sérieux de la circonstance. Ah ! non, minute. Du moment que sa place était en jeu…

« Tu vas me faire le plaisir de rester tranquille… tu m’entends, Albert ?