Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

un extrait de belladone et une décoction de fèves de Saint-Ignace, stupéfiants et tétaniques, de quoi troubler le cerveau ou l’anéantir.

« Diable !… » fit Raverand… « En 1880 !… C’est vif… Quel âge a votre fille ? » ajouta-t-il, dressé dans son fauteuil, sa petite tête en avant flairant l’affaire, avec l’allonge aplatie d’un furet à l’entrée du terrier.

« Vingt ans tout à l’heure… » dit la mère d’un accent désespéré que ce mot splendide, cette fête, vingt ans, rendaient plus lamentable encore. Le vieux praticien pensa tout haut : « C’est une belle cause… »

Léonie d’Arlot triomphait :

« Et cette femme n’en est pas à son premier crime… Nous aurons d’autres victimes à montrer, d’autres mères plus malheureuses encore que celle-là…

– Qui est-ce ?… Le nom de la dame ?… » demanda Raverand qui se montait. Mme Ebsen ouvrit de grands yeux, stupéfaite qu’il ne devinât pas. Et Léonie :

« Mais c’est Mme Autheman… »

Le geste de l’avocat retomba découragé.

« Oh ! alors… »