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voulait parler, il l’arrêta : « Voyons, madame… votre fille est partie de chez vous ?

– Non, non… pas partie… Ils me l’ont prise, volée… son cœur, toute mon enfant.

– Comment cela ?… Quand ?… »

Il lui tirait les renseignements un par un, se faisait réciter la terrible lettre gravée dans la mémoire de la mère, comme un mordant indestructible… Ta fille toute dévouée, Éline Ebsen…

« Et depuis son départ, avez-vous reçu d’autres lettres ?

– Deux, monsieur… Une de Londres, la dernière de Zurich… Mais elle n’est ni là, ni là…

– Montrez-moi cette lettre de Zurich… »

Elle sortit de sa poche son dé, ses lunettes, un portrait de sa fille qui ne la quittait plus, puis la lettre qu’elle dépliait de ses gros doigts tremblants et passait à l’avocat. Il la lut à haute voix, lentement, pour en chercher la pensée intime ; car cette malheureuse femme commençait à l’intéresser :

« Ma chère mère, comme je tiens essentiellement à te donner de mes nouvelles, je ne veux pas tarder plus longtemps à t’écrire. Mais j’ai