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La pauvre mère était très émue. Ce grand cabinet, ce silence, cette tête d’homme de loi sérieuse et fine sous la lampe… Ah ! misère, tant d’histoires pour une chose si juste, si simple, ravoir sa fille qu’on lui avait prise.

« Voyons l’affaire… » dit Raverand, et comme un peu de surdité restait à Mme Ebsen de sa congestion, il répéta plus fort : « Voyons l’affaire… »

Elle commença son récit ; mais la colère, l’indignation l’étranglaient. Tous les mots voulaient sortir à la fois dans toutes les langues qu’elle savait, en danois, en allemand, d’une expression plus familière à son cœur ; et l’effort que lui coûtait son français, les « ch » du Nord sifflant malgré elle entre ses lèvres, faisaient plus incohérente et haletante encore cette invraisemblable histoire qu’elle attaquait par tous les bouts… Sa petite Lina si chandille… ch… ch… ch… Elle n’avait que ça au monde… Et grand’mère, la présidente, l’horloge électrique, les prières à trois sous, les boissons qu’on donnait à sa petite… ch… ch… ch vous comprenez…

« Pas trop !… » murmurait l’avocat. Léonie