Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

du divin sacrifice, compte froidement les plaies qui vermillonnent l’ivoire… C’est alors que Mme Ebsen apparaissait à sa fille et lui tendait les bras en pleurant :

« Reviens, reviens, soyons heureuses… Qu’est-ce que je t’ai fait ?… »

Avec cette perception tourmentée des choses, que donnent la nuit et le lit, Éline voyait sa mère, l’entendait, et l’appelait à son tour, lui parlait en sanglotant, jusqu’à ce que, lasse de cette lutte horrible, elle allongeât la main à tâtons sur le verre qu’Anne de Beuil lui préparait tous les soirs, et qu’elle s’endormît enfin d’un sommeil dont elle sortait au matin, sans pensée, sans volonté, n’ayant même plus de larmes. Ces jours-là, elle ne quittait pas sa cellule, et derrière la buée qui se formait aux petites vitres du chalet elle regardait passer entre les arbres les longs waterproofs de l’Œuvre, agités de gestes extatiques, d’arrêts songeurs comme on en voit dans les préaux de la Salpêtrière. Les feuilles tourbillonnaient sous le ciel morne ; des nuages, toujours renouvelés au même point de l’horizon, s’accumulaient, se dispersaient, s’échevelaient en pluie fine. Elle en suivait un des yeux, dans ses transformations