Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Arlot, à la baronne. Elle ira partout ; ce sera un soulèvement contre cette méchante femme. Sans les efforts de Sylvanire, elle se lèverait et partirait à l’instant. Mais on a ordonné quelques jours de repos, sous peine d’une rechute. Allons ! C’est pour son enfant, il faut être raisonnable.

Que la convalescence lui sembla longue, et cruelles les heures d’attente dans la chambre de l’écluse, à mesurer le temps aux passages réguliers de la chaîne, à compter les chalands, les trains de bois s’en allant au fil de l’eau, d’une marche endormie, leur pilote en bonnet de coton, courbé sur sa longue rame. Le soir, une flamme rouge s’allumait à l’avant des radeaux, doublée par le reflet. Elle regardait cette flamme s’éteindre dans la brume, voyageait avec elle, songeait : « Maintenant, ils sont à Ablon… Au port à l’Anglais… à Paris… » Dans l’activité dévorante de sa pensée, cette eau, ces gens, ces bateaux défilant avec une lenteur uniforme l’exaspéraient comme une raillerie, et elle réglait sa convalescence par étapes : tant de jours de lit, tant de fauteuil, quelques pas dans la maison pour se donner des jambes, puis en route ! C’était la fièvre du réclusionnaire qui voit venir la fin de sa peine.