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routes de campagne étaient pleines de visionnaires et de prophétesses.

Parmi les ouvrières de Mme Autheman, les jolies filles comme Éline Ebsen étaient rares. Presque toutes vieillies, maladives, contrefaites, rebut du célibat, épaves du flot de misère heureuses de venir échouer là et d’apporter au Dieu de l’Évangéliste ce dont l’homme n’avait pas voulu. C’était en somme la seule utilité de cette Œuvre si peu française qui aurait facilement prêté aux rires, sans les déchirements et les larmes qu’elle occasionnait trop souvent. Il ne riait pas, je vous jure, le gardien Watson, tout seul dans son phare, songeant : « Où est-elle ?… Que deviennent les petits ? » Elle ne riait pas non plus, l’hôtesse de l’Affameur, sous son deuil à vie, sanglotant devant son fourneau, au milieu des gaietés de la guinguette, le mari fou, la fille morte.

Pauvre petite Damour, si jolie, si sage ! Mme Autheman l’avait prise à ses écoles, puis enfermée à la Retraite, du consentement de sa mère qui ne savait pas bien de quoi il s’agissait. Les sermons, la musique et la mort, toujours la mort, en espoir, en menace, accablèrent bientôt