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préparée, un peu de foi, pas plus gros qu’un grain de moutarde, peut fructifier et grandir. Convaincues, elles devaient l’être, pour accepter, moyennant cent francs par mois, cette existence solitaire, abandonnée, que leur faisait Mme Autheman, brisant tout lien affectueux autour d’elles du même geste indifférent dont elle émondait au passage la pousse importune de ses taillis. C’était le renoncement du cloître sans les grilles, mais avec les mêmes exigences, les départs sur un ordre, les changements de résidence, et ce retour de chaque année à la Retraite pour se retremper en Jésus.

Quelquefois l’ouvrière rencontrait sur sa route un brave homme et quittait la prédication pour le mariage. Une, une seule, s’était sauvée avec l’argent destiné à son entretien, au loyer, au rachat des âmes. Mais en général, elles s’attachaient à la cause, détournant toute leur vitalité vers un but unique, mystiques jusqu’à l’extase, jusqu’à cette folie prédicante et propagante qu’on rencontre souvent chez les femmes de la religion réformée et qui s’étend parfois en épidémie sur tout un peuple, comme en Suède, il y a trente ans, quand les places publiques, les