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C’est le souffle du mal qui s’échappe par la bouche du jeune Nicolas. Le malheureux semble épouvanté lui-même de ce qu’il vient de dire, et sur sa face gonflée, convulsée, violette, comme s’il avait avalé de travers, on suit avec anxiété l’horrible lutte visible du bon et du mauvais esprit. Enfin le jeune drôle se débarrasse en buvant un grand coup, et d’une longue aspiration soulagée, il attaque un verset de l’Ecclésiaste : « Mon âme est rassasiée comme de moelle et de graisse, et ma bouche te loue avec un chant de reconnaissance… »

Alleluia ! Le démon est encore une fois terrassé. Un soupir satisfait le constate autour de la table ; et dans le fracas du train de midi qui passe, chacun se lève et plie sa serviette en glorifiant l’Éternel.

« Vrai ?… c’est vrai ?… Ah ! chère enfant, que je t’embrasse pour cette bonne nouvelle… »

C’est la froide Jeanne Autheman qui serre Éline avec transport, et l’entraîne : « … Viens vite me raconter ça… » À la porte du petit salon, elle se ravise : « Non… à la Retraite… nous serons mieux… »

À la Retraite !… Quel honneur pour Lina !…