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la fois sous ses pieds et sur sa tête, l’enveloppaient comme le Moïse de la Bible.

Il aurait voulu rester toujours ignoré dans ce coin de nature, mais Mme Aussandon ne le permit pas. Cette terrible petite femme était la fille d’un percepteur des environs, rose et dorée comme un plein-vent, avec des allures actives et proprettes de demoiselle de village, des yeux vifs, une bouche en avant aux lèvres relevées, aux dents saillantes et pointues d’un doguin bon enfant, mais ne lâchant pas le morceau. C’est elle qui menait son mari, l’excitait, le harcelait, ambitieuse pour lui, surtout pour leurs garçons nombreux comme les glands sur un chêne. Elle le fit nommer d’abord à Nîmes, puis à Montauban, puis à Paris où elle le conduisit enfin. Sa science, son éloquence, étaient bien à lui, mais Bonne, ainsi qu’il appelait sa femme quand il essayait de la retenir, Bonne le mit en lumière, fit malgré lui sa position et sa fortune.

Économe pour deux, – car Aussandon, au village, donnait tout, linge, vêtements, jusqu’au bois de son feu qu’il jetait aux pauvres par la fenêtre quand sa femme emportait la clef du bûcher, – elle éleva à la dure ses huit garçons,