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de famille qu’elle a si vaillamment, si joyeusement porté : l’enfant à élever, la maison à nourrir, des responsabilités d’homme, et jamais de colère, jamais une plainte. Le cœur de la jeune fille déborde de tendresse, de reconnaissance ; elle aussi se dévouera toute à sa mère, et encore une fois elle lui jure « de l’aimer bien, de ne la quitter jamais. »

Mais on frappe à la porte doucement. C’est une petite fille de sept à huit ans, en tablier noir d’écolière, les cheveux plats noués presque sur le front d’un ruban clair. « C’est toi, Fanny, » dit Éline sur le seuil, de peur de réveiller Mme Ebsen, « il n’y a pas de leçon ce soir.

– Oh ! je le sais bien, mademoiselle, » – et l’enfant coule un regard curieux vers la place de grand’mère pour voir comment c’est quand on est mort, – « je le sais bien, mais papa a voulu que je monte tout de même et que je vous embrasse à cause de votre grand chagrin.

– Oh ! petite gentille… »

Elle prend à deux mains la tête de l’enfant, la serre avec une vraie tendresse : « Adieu, ma Fanny, tu reviendras demain… Attends que je t’éclaire, l’escalier est tout noir. » En se penchant,