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se balançait dans sa longue blouse, soulignant chaque mot d’un geste de voyou.

« Gloire à Dieu ! Je suis lavé dans le sang de Jésus… Je servais le démon, mon âme toute noire croupissait dans l’iniquité… Non, je n’oserai jamais vous dire l’énormité de mes fautes… »

Il reprit haleine une minute, et l’on put croire qu’il allait donner le détail de ses péchés. Or, comme avant d’entrer à Port-Sauveur il avait passé deux ans à la Petite-Roquette, les auditeurs en auraient entendu de raides. Heureusement il passa outre.

« Maintenant, tout est gloire et lumière dans mon âme. Jésus m’a tiré du torrent de perdition, il vous en tirera aussi, si vous l’appelez à l’aide… Pécheurs qui m’écoutez, ne résistez pas davantage… »

Il s’adressait aux vieilles dames du premier banc, avec un sourire entendu, des petits frisements d’yeux, comme à d’anciens compagnons de bagne ; il les engageait « à fuir les mauvaises sociétés, à s’abandonner à Jésus dont le sang précieux lave les plus grands crimes… » Puis, roulant des épaules, la tête en avant avec