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Le dimanche, elle est toute aux écoles et au temple, le temple lugubre et blanc, dont la lourde croix de tombe domine la propriété et l’oppresse, lui donne sa physionomie conventuelle, complétée par la belle et sévère ordonnance des choses, la netteté des avenues désertes, le recueillement religieux de la maison, toute sa longue façade close, avec l’ombre d’une pèlerine noire découpée sur le sable d’une allée ou sur la dalle du perron, et des bouffées lointaines de cantiques et d’orgue traversant la torpeur silencieuse des longues après-midi d’été.

Vers le soir, la maison s’anime un peu. La grille s’ouvre grande, des roues grincent sur le gravier, un grand chien d’Écosse déjà vieux se traîne et aboie autour d’une voiture. C’est Autheman qui revient de Paris dans son coupé, préférant faire une heure de route que d’exposer sa triste figure à la curiosité d’une gare de banlieue toujours grouillante de monde vers cinq heures. Il y a un moment d’agitation, des portes qui battent, des paroles brèves échangées à mi-voix, un seau remué du côté des écuries, le sifflet d’un palefrenier faisant boire ses bêtes ; puis la communauté retombe dans son morne silence