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patiemment, réconcilia ce malheureux avec le Sauveur, le fit s’endormir dans la mort, aussi calme, aussi inconscient que sa marmotte, prise – sous son petit toit de branches – de son engourdissement de six mois d’hiver.

Ces succès achevèrent d’exalter la jeune Lyonnaise. Elle se crut marquée pour la mission évangélique, écrivit le soir dans sa chambre des prières et des méditations, affecta de plus en plus une correction austère, parlant toujours comme au meeting, entremêlant ses discours de textes, de centons bibliques… « Une femme a perdu le monde, une femme le sauvera. » Cette devise ambitieuse qu’elle devait adopter plus tard sur son papier à lettres, jusque dans l’intérieur de ses bracelets et de ses bagues, où les autres femmes mettent un souvenir tendre, un chiffre d’amour, cette devise se formulait vaguement dans sa jeune tête, et l’œuvre des Dames Évangélistes y remuait déjà en germe, lointaine, indécise, perdue entre les mille projets confus de son âge intermédiaire, quand un hasard détermina sa vie.

Parmi les dames du meeting, une Genevoise la choyait tout particulièrement, la mère d’un