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temps et je ne l’ai jamais connu… Dans le commencement que nous étions à Paris, je m’ennuyais un peu de ne plus voir les arbres, ni la campagne ; mais maman m’aime tant, me gâte tant, que cela m’a consolé. On m’a habillé à l’anglaise, ce qui est tout à fait la grande mode, et on me frisait tous les jours pour m’emmener promener au bois de Boulogne, autour du lac… Alors bon ami a dit que je n’apprendrais jamais rien, qu’il fallait me mettre en pension, et maman m’a mené à Vaugirard, chez les pères…

Ici, Jack s’arrêta.

Cet aveu qu’il allait faire, que les jésuites n’avaient pas voulu le recevoir, blessait son amour-propre ; malgré la naïveté, l’ignorance de son âge, il sentait qu’il y avait là quelque chose d’humiliant pour sa mère et pour lui. Et puis, ce récit, qu’il avait entrepris étourdiment le ramenait à la seule préoccupation sérieuse qu’il eût jamais eue dans la vie… Pourquoi n’avait-on pas voulu de lui ? Pourquoi les pleurs de sa mère et le « pauvre enfant » si pitoyable du supérieur ?

— Dis-donc, moucié, fit le nègre subitement… qu’est-ce que c’est ça, une cocotte ?

— Une cocotte ? répondit Jack un peu étonné… je ne sais pas, moi… C’est une poule, une cocotte.

— C’est que li Père au bâton dire à madame Moronval, ta maman à toi être une cocotte.

— En voilà une drôle d’idée… Maman une cocotte… Vous avez mal entendu… Maman une cocotte !