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mauvaise humeur de tous. Il fut d’abord le simple pensionnaire, semblable aux autres jusqu’au moindre bouton de l’uniforme, grondé, puni, corrigé, couchant au dortoir, soumis à la règle commune.

Le petit n’y comprenait rien, essayait en vain ses gentillesses, ses petites grimaces autrefois adorables, qui se heurtaient maintenant à une froideur étrange.

Ce fut bien pis quand, plusieurs trimestres écoulés, Moronval, ne recevant pas d’argent, commença à trouver que Mâdou était une bouche inutile. De l’état de pensionnaire, on le fit passer à celui de subalterne. Comme on avait renvoyé le domestique pour cause d’économie, Mâdou le remplaça, non sans révolte. La première fois qu’on lui mit un balai dans les mains en lui indiquant l’usage qu’il fallait en faire, il s’y refusa obstinément. Mais M. Moronval avait des arguments irrésistibles, et après une vigoureuse bastonnade, l’enfant se résigna.

D’ailleurs, il préférait encore balayer que d’apprendre à lire.

Le petit roi balaya donc et frotta avec une ardeur, une constance singulières, on a pu s’en convaincre par le luisant du salon Moronval. Mais cela n’adoucit par l’humeur farouche du mulâtre, qui ne pouvait lui pardonner toutes les déceptions dont il était la cause involontaire.

Mâdou avait beau s’appliquer à faire reluire, donner au logis délabré un vernis de propreté ; il avait beau