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noirs franchissaient d’un bond les espaces entre les hautes cimes, et des grands étangs mystérieux qui n’avaient jamais reflété le ciel, posés comme des miroirs dans l’immense forêt, semblaient la continuer sous la terre dans une profondeur de verdure traversée de vols scintillants…

À cet endroit du récit, Jack ne put retenir une exclamation :

— Oh ! que ça devait être beau.

— Oui, bien beau, reprit le négrillon, qui exagérait peut-être un peu et voyait son pays à travers le prisme de l’absence, la magie de ses souvenirs d’enfant, et l’enthousiasme doré des peuples du soleil.

— Oh ! oui, bien beau !…

Et, encouragé par l’attention de son camarade, il continua son histoire.

La nuit, les forêts changeaient d’aspect.

On bivouaquait dans les jungles, devant de grands feux qui éloignaient les bêtes sauvages rôdant tout autour et faisant un cercle de hurlements à la flamme. Les oiseaux aussi s’inquiétaient dans les branches, et les chauves-souris, silencieuses et noires comme les ténèbres, attirées par la clarté du feu, la franchissaient de leur vol court, pour se réunir au matin sur un arbre immense, dont elles semblaient, immobiles et serrées