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a peur de son génie, on veut l’empêcher de se produire. Devine ce qu’ils lui ont fait, il y a quelque temps, au Théâtre-Français. Ils ont reçu une pièce qui est tout à fait sa Fille de Faust, dont tu nous as bien sûr entendu parler. Naturellement ce n’est pas sa pièce qu’on lui a prise, puisqu’elle n’est pas encore écrite, mais son idée, son titre. Qui soupçonner ? Il est entouré d’amis fidèles, dévoués à son avenir. Nous avions pensé un moment à la mère Archambauld, qui est toujours aux écoutes et décrochète les serrures avec ses yeux de furet. Mais comment s’y serait-elle prise pour retenir le plan de la pièce, le raconter aux intéressés, elle qui sait à peine un mot de français ?

« Quoi qu’il en soit, notre ami a été très affecté de cette nouvelle déception. Il a eu, à ce moment, jusqu’à trois crises par jour. Je dois dire que M. Hirsch s’est montré dans tout cela d’un dévouement admirable ; et c’est bien heureux que nous l’ayons eu près de nous, car M. Rivals continue à nous bouder. Comprends-tu qu’il n’est pas venu une seule fois prendre des nouvelles de notre pauvre malade ? À ce propos, mon cher enfant, il faut que je te dise une chose : nous avons appris que tu étais en grande correspondance avec le docteur et la petite Cécile, et je dois te prévenir que M. d’Argenton ne voit pas cela d’un très bon œil. M. Rivals peut être un excellent homme, mais c’est un esprit routinier, rétrograde, qui n’a pas craint de te détourner, même devant nous, de ce qui était ma-