Page:Daudet - Jack, I.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chait courbé en deux, sa cargaison d’hiver étant bien plus lourde que celle d’été. Il allait tourner le coin du quai :

— Hé !… Bélisaire, cria Jack.

L’autre se retourna, la figure animée de son sourire de bon accueil.

— J’étais bien sûr que c’était vous. Vous voilà donc par ici, Bélisaire ?

— Mais oui, monsieur Jack. Le père a voulu que je reste à Nantes, par rapport à ma sœur, qui avait son mari malade. Alors, je suis resté. Je fais des journées partout, à Châtenay, à la Basse-Indre. Il y a un tas d’usines par là et le commerce ne va pas trop mal. Mais c’est encore à Indret que je vends le plus. Et puis, je me charge aussi de commissions pour Nantes et pour Saint-Nazaire, ajouta-t-il en clignant de l’œil du côté de la maison de Roudic, à quelques pas de laquelle ils causaient debout.

Bélisaire, en somme, était assez content. Il envoyait tout son argent à Paris pour le vieux et les enfants. La maladie de son beau-frère lui coûtait gros aussi, mais en travaillant, tout s’arrangerait ; et si ça n’avait pas été ses maudits souliers…

— Ils vous font donc toujours mal ? dit Jack.

— Oh ! toujours… Vous savez, pour ne plus souffrir il faudrait que j’arrive à m’en faire faire une paire exprès, sur mesure ; mais c’est trop cher, c’est bon pour les riches.