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les meubles reluisaient rares et propres, avec quelque bouquet, un pot de basilic ou de giroflée rouge sur l’appui de la croisée. Quand Roudic revenait du travail, le soir, il éprouvait toujours une joie nouvelle à trouver la maison aussi nette, la femme aussi soignée que si c’était dimanche. Il ne s’attardait pas à se demander pourquoi Clarisse était en effet inactive comme un jour de repos, pourquoi les préparatifs du repas terminés, elle s’accoudait rêveusement au lieu de se prendre à quelque ouvrage de couture, ainsi qu’une bonne ménagère à qui la journée semble trop courte pour tous les devoirs qui lui restent à remplir.

Il s’imaginait naïvement, ce brave Roudic, que sa femme ne songeait qu’à lui en se faisant belle ; et dans Indret on l’aimait trop pour le détromper, pour lui dire qu’un autre accaparait toutes les pensées, toute l’affection de Clarisse.

Qu’y avait-il de réel au fond de cela ?

Jamais, dans ces bavardages de petite ville qui se tiennent au pas des portes et qui prennent si vite et si loin leur volée, jamais on ne séparait le nom de madame Roudic de celui du Nantais.

Si la chose dont on parlait était vraie, il faut dire, à l’excuse de Clarisse, que le Nantais et elle s’étaient connus avant le mariage. Il venait la voir chez son père, où il accompagnait Roudic ; et si le neveu, ce grand beau frisé, avait voulu se marier à la place de