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— C’est moi, dit la Bretonne en rejoignant ses terribles sourcils et sans baisser les yeux… Et je m’en félicite. Comme je vois que vont les choses, sans doute qu’à cette heure je serais au fond de l’eau, du chagrin de vous avoir pour mari, mon beau cousin.

Ce fut dit avec une telle intonation, que le beau cousin en resta une minute décontenancé.

Clarisse était aussi très troublée, et son regard mouillé de larmes cherchait celui de sa belle-fille comme pour la supplier.

— Écoute, Charlot, dit Roudic afin de changer la conversation, je vais te donner la preuve que le directeur est un bon homme. Il t’a trouvé une place magnifique à l’usine de Guérigny, et il m’a chargé de t’en parler.

Il y eut un moment de silence, le Nantais ne se pressant pas de répondre. Roudic insista :

— Remarque bien, mon garçon, que tu auras là-bas des conditions bien meilleures qu’ici… et que… et que… »

Il regardait son frère, sa femme, sa fille pour trouver la fin de sa phrase.

— Et qu’il vaut mieux s’en aller que d’être renvoyé, n’est-ce pas, mon oncle ? fit le Nantais brutalement… Eh bien, moi, je veux qu’on me renvoie si on a assez de mes services, et qu’on ne me traite pas comme un choufliqueur dont on se débarrasse en lui retrouvant une paye.