Page:Daudet - Jack, I.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuel du sol et de l’air, une trépidation continue, quelque chose comme l’effort d’une bête énorme qu’on aurait emprisonnée sous l’usine et dont ces cheminées béantes auraient craché tout autour la respiration brûlante et la plainte. De peur de paraître trop novice, Jack n’osait pas demander ce qui faisait ce bruit-là, qui, de loin déjà, l’avait impressionné.

Tout à coup ils se trouvèrent en face d’un ancien château du temps de la Ligue, sombre, flanqué de grosses tours, et dont les briques, noircies par la fumée de l’usine, avaient perdu leur éclat primitif.

— Nous voici à la direction, dit Roudic.

Et s’adressant à son frère :

— Est-ce que tu montes ?

— Je crois bien. Je ne suis pas fâché de revoir le « Singe » et de lui montrer que, malgré ses prédictions, on est devenu quelque chose d’un peu chic.

Il se carrait dans sa veste de velours, fier de ses bottes jaunes et de sa valise en bandoulière. Roudic ne lui fit pas la moindre observation, mais il paraissait gêné.

Ils passèrent sous la poterne basse, pénétrèrent dans les vieux bâtiments, une foule de petites pièces irrégulières, mal éclairées, où des commis écrivaient sans lever la tête. Dans la dernière salle, un homme d’un aspect sévère et froid était assis à un bureau, sous le jour d’une haute fenêtre.

— Ah ! c’est vous, père Roudic !