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— Il a raison… fit d’Argenton gravement, et la petite tête du docteur Hirsch approuvait avec énergie.

Chose singulière, Jack qui, depuis son séjour au gymnase, était habitué aux tirades du chanteur sur la question sociale, et qui ne l’écoutait jamais, le trouvant fort ennuyeux, éprouvait à l’entendre ce soir-là une émotion pénétrante, comme s’il avait su vers quel but se dirigeaient ces mots sans suite, et quelle existence ils allaient frapper.

Labassindre faisait un tableau enchanteur de la vie ouvrière.

— Oh ! la belle vie d’indépendance et de fierté ! Quand je pense que j’ai été assez fou pour quitter cela. Ah ! si c’était à refaire.

Et il leur racontait son temps de forgeron à l’usine d’Indret, alors qu’il s’appelait simplement Roudic, car ce nom de Labassindre qu’il portait, était le nom de son village, La Basse-Indre, un gros bourg breton des bords de la Loire. Il se rappelait les belles heures passées au feu de la forge, nu jusqu’à la ceinture, tapant le fer en mesure au milieu de braves compagnons.

— Tenez, disait-il, vous savez si j’ai eu du succès au théâtre ?

— Certes, répondit le docteur Hirsch avec impudence.

— Vous savez si on m’en a offert de ces couronnes