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Le dimanche, elle recevait des femmes de Ratés, de ces courageuses créatures qui travaillaient fiévreusement toute la semaine, et à qui leurs maris octroyaient de temps en temps le luxe d’une sortie avec eux. Vis-à-vis de celles-là, on jouait un peu à la châtelaine, on les appelait « ma bonne petite, » on étalait des peignoirs Louis XV à côté de leurs ajustements de hasard.

Mais entre tous les Ratés, les plus assidus aux Aulnettes étaient encore Labassindre et le docteur Hirsch. Ce dernier, installé d’abord pour quelques jours, n’avait plus bougé depuis des mois, et la maison était devenue la sienne. Il en faisait les honneurs aux invités, portait le linge du poëte, ses chapeaux dans la coiffe desquels il aplatissait des rames de papier ; car la tête de ce fantaisiste était extraordinairement petite, si petite, qu’on se demandait en le regardant comment il avait pu y faire entrer tant de connaissances et que l’on ne s’étonnait plus alors de l’encombrement inouï d’un pareil emmagasinage.

Tel qu’il était, d’Argenton ne pouvait plus se passer de lui. Il avait là le confident attentif de tous ses malaises de malade imaginaire, et quoiqu’il ne fît pas grand cas de la science de Hirsch, quoiqu’il se gardât bien d’exécuter aucune de ses prescriptions, sa présence le tranquillisait.

— C’est moi qui l’ai remis sur pieds !… disait l’autre avec aplomb. Aussi le docteur Rivals avait-