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proportions gigantesques qu’il a prises sont aux dépens des autres organes. Vous pensez quels désordres tout autour, quels affreux ravages !…

De quelques coups de crayon vigoureusement jetés en zig-zag, il indiquait les ravages.

— C’est effrayant ! murmurait d’Argenton, qui regardait cela, consterné, devenu jaune de pâle qu’il était d’abord.

Charlotte sentait ses yeux se remplir de larmes.

— Et vous croyez ça, vous autres ! fit le vieux Rivals en éclatant… Mais c’est de la médecine de sauvage. On se moque de vous.

— Ah ! permettez, mon cher confrère…

Mais le vieux n’écoutait plus rien ; il avait pris son grog plus fort que d’habitude, et la bataille s’engagea terrible.

Debout en face l’un de l’autre, les poings brandis, ils se jetaient des noms de médecins, des titres de livres grecs, latins, scandinaves, hindous, chinois, cochinchinois. Hirsch avait le dessus par ses citations longues d’une aune, et dont — vu leur étrangeté — personne ne pouvait vérifier l’exactitude ; mais le père Rivals triomphait avec son formidable coup de trompette, l’énergie et le pittoresque de son dialogue, remplaçant les arguments par des menaces de « f… son adversaire par-dessus bord. »

Ni Jack ni Charlotte ne s’effrayaient de cette discussion violente ; ils en avaient entendu bien d’autres