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de ces bruits sournois sous les herbes, que le moindre pas effarouche, il avait le spectacle tranquille des bêtes allant librement à leurs affaires, à leurs plaisirs. C’était une poule faisane, escortée de ses poussins, piquant dans les nids de fourmis ces œufs blanchâtres, gros comme des perles, qui s’entassent au pied des arbres ; ou des chevreuils broutant les pousses, traversant les allées, l’œil étonné, les pattes tendues, plus amusés que craintifs. Puis les lièvres à la lisière, partant dans les terres labourées, les lapins, les perdrix.

Derrière le rideau grêle des jeunes branches, parmi lesquelles les aubépines en fleurs jetaient leurs grands bouquets d’autel entièrement blancs et parfumés, ces vies s’agitaient, circulaient, mêlées à l’ombre des hautes cimes. Le garde surveillait les terriers, les couvées ; il détruisait les animaux nuisibles, les vipères, les pies, les écureuils, les mulots, les taupes. On lui donnait tant par tête ou queue de ces destructeurs, et tous les six mois il emportait à Corbeil, à la sous-préfecture, toute une collection de détritus poussiéreux et séchés dont il remplissait son sac jour par jour. Ah ! s’il avait pu y mettre aussi les têtes de tous les braconniers et surtout des voleurs de bois ! C’est qu’il aimait encore plus ses arbres que ses bêtes, le père Archambauld. Un chevreuil, ça se remplace ; un faisan mort, il en naît mille autres au printemps. Mais un arbre, c’est si long à venir !

Aussi comme il les veillait, comme il épiait leurs