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cour dans un premier transport de bonheur et de liberté. Et quels sauts, quelles allures naturelles retrouvées loin de l’écuelle commune et de la paille du chenil ! Les danois à taches jaunes, si vite apprivoisés et soumis, les petits bassets épatés, faits pour dévorer le terrain dont leur corps ramassé dans la course semble faire partie, les griffons désordonnés, des poils longs plein les yeux, soyeux, veloutés, secouant des caresses à chacun de leurs mouvements, et les slouguis d’Afrique, un peu trop grands et luxueux pour la chasse, et les lévriers héraldiques, toutes les espèces se trouvaient là. Gravement, le père Archambauld exerçait ses élèves, avec le collier de force, les corrections à coups de fouet, et ces sévérités de l’œil si énervantes pour certaines bêtes qu’elles les domptent, les aplatissent, les allongent à terre, toutes craintives et frémissantes. Jack pensait quelquefois devant un rebelle : « En voilà un qui ne comprend rien au système, » et il aurait voulu l’emmener en forêt, le faire participer à cette bonne insouciance en plein air qui lui donnait à lui-même une surabondance de vie.

Il était si content, le petit Jack, si fier d’accompagner le garde à travers bois, de marcher à côté de cet homme terrible, redouté aux alentours, et à qui son fusil passé en bandoulière donnait une physionomie belliqueuse. Avec lui, il voyait une forêt particulière, bien vivante et peuplée, que les profanes ne connaissent pas. Au lieu de ces effarements dans les feuilles,