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Elle ne fut un peu rassurée à ce sujet que deux jours après, en recevant d’Auvergne une réponse du poète.

Quoique pleine de remontrances et d’allusions à la faiblesse de la mère et au caractère indiscipliné de l’enfant, la lettre était moins terrible qu’on aurait pu s’y attendre. En somme, d’Argenton avait déjà pensé aux frais énormes qu’entraînait l’éducation Moronval, et tout en désapprouvant l’escapade, il convenait que ce n’était pas là un grand malheur, l’institution étant en pleine déconfiture. (Depuis qu’il n’y était plus, parbleu ! ) Quant à l’avenir de l’enfant, il s’en chargeait ; et à son arrivée prochaine, c’est-à-dire dans huit jours, il aviserait sur ce qu’il y aurait à faire.

Jamais Jack, dans toute sa vie d’enfant et d’homme, ne put retrouver huit autres jours pareils à ces huit jours-là, si beaux, si heureux, si pleins. Sa mère tout à lui, le bois, la basse-cour, la chèvre, et remonter dix fois l’escalier dans les pas de son Ida, aller où elle allait, rire de son rire sans savoir pourquoi, le bonheur enfin, le bonheur fait d’une foule de joies menues et inracontables.

Puis une nouvelle lettre, et :

« Il arrive demain ! »

Bien que d’Argenton eût dit qu’il était prêt à revoir cet enfant, à se montrer bon et indulgent pour lui, la mère était inquiète et voulait préparer l’entrevue. Aussi elle empêcha Jack de monter avec elle dans