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qu’il aurait touché quelqu’un. Ah ! le misérable tombé là sur ce tas de pierres pour cuver son vin ou son crime aurait pu se réveiller, sauter sur lui, Jack n’eût pas même trouvé la force d’un cri…

Une lumière et des voix, venant sur la route, le tirèrent subitement de sa torpeur. Un officier rentrant bien vite à son fort, un de ces petits forts détachés en avant de Paris, marchait à côté de son ordonnance, venue au-devant de lui avec un falot, à cause de la nuit très noire.

— Bonsoir, messieurs, dit l’enfant d’une voix douce, toute grelottante d’émotion.

Le soldat qui portait la lanterne la leva dans la direction de cette voix.

— Voilà une mauvaise heure pour voyager, mon garçon, dit l’officier… Est-ce que tu vas loin ?

— Oh ! non, monsieur, pas bien loin, ici tout près… répondit Jack qui ne se souciait pas de raconter sa grande escapade.

— Eh bien, nous pouvons faire un bout de chemin ensemble… Je vois jusqu’à Charenton.

Quel bonheur pour l’enfant de s’en aller pendant une heure encore en compagnie de ces deux braves soldats, de régler son petit pas sur le leur, de marcher dans la lueur du bienheureux falot qui refoulait les ténèbres autour de lui de chaque côté, les faisant paraître plus épaisses et plus effrayantes. Il y gagnait encore de se savoir dans le bon chemin, car les noms