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Mâdou lui jeta un « bonjou moucié » d’une tristesse inexprimable ; puis de toute la journée il ne fut plus question de lui. Les classes eurent lieu dans leur décousu ordinaire, les récréations aussi. Seulement, de temps en temps, à plusieurs reprises, on entendit de grands coups sourds et des gémissements profonds qui venaient de la chambre du mulâtre. Même quand ce bruit sinistre cessait, Jack, dans sa crainte, croyait encore l’entendre ; Mme Moronval semblait très émue aussi en l’écoutant, et parfois le livre qu’elle tenait entre ses mains tremblait de toutes ses pages.

À dîner, le directeur s’assit, exténué mais radieux :

— Le miséabe ! disait-il à sa femme et au docteur Hirsch ; le miséabe !… dans quel état il m’a mis !

Le fait est qu’il avait l’air épuisé de fatigue.

Le soir, au dortoir, Jack trouva le lit à côté du sien occupé. Le pauvre Mâdou avait mis son maître dans un tel état, que lui-même avait été se coucher et n’avait pu le faire tout seul.

Jack aurait bien voulu lui parler, savoir les détails de son voyage si pénible et si court ; mais madame Moronval et le docteur Hirsch étaient là, penchés sur le petit, qui semblait sommeiller avec ces gros soupirs que laisse une journée d’éreintement et de larmes.

— Alors, monsieur Hirsch, vous ne pensez pas qu’il soit malade ?

— Pas plus que moi, madame Moronval… Voyez-