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Ce qui prouve bien que la nature se rit de toutes les méthodes, même de la méthode Moronval-Decostère.

Ensuite le chanteur Labassindre, après de nombreuses supplications, se décidait à « donner sa note, » comme il disait. Il la tâtait d’abord deux ou trois fois, puis la donnait sans ménagement, si profonde, si retentissante, que les vitres du salon et ses murs de papier-carton en tremblèrent, et que, du fond de la cuisine où il était en train de préparer le thé, Mâdou-Ghézô enthousiasmé, répondit par un épouvantable cri de guerre.

Il aimait le bruit, ce Mâdou !

Il y eut aussi des incidents comiques. Au milieu du plus grand silence, pendant qu’un fabuliste étrange, qui s’était donné pour tâche — il l’avouait ingénument — de refaire les fables de La Fontaine, récitait le Derviche et le Pot de farine, paraphrase de Pierrette et le Pot au lait, une altercation s’engagea tout au bout de la salle entre le neveu de Berzélius et l’homme qui avait lu Proudhon. On échangea des mots vifs, même des giffles ; et au milieu de la bousculade, Mâdou avait beaucoup de peine à tenir droit le grand plateau chargé de babas et de sirops, qu’il promenait devant les yeux goulus des « petits pays chauds, » auxquels il lui était formellement interdit de rien offrir. Deux ou trois fois pourtant, dans la soirée, on leur fit une distribution « d’églantine. »

Moronval et la comtesse continuaient leur confé-