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en son honneur, pour célébrer les fiançailles de Georges et de Sidonie…

Le lendemain, quand elle se leva, son plan était fait. Georges l’aimait ; c’était sûr. Songeait-il à l’épouser ?… Elle se doutait bien que non, la fine lame ! Mais cela ne l’effrayait pas. Elle se sentait assez forte pour avoir raison de cette âme d’enfant, à la fois faible et passionnée. Il n’y avait qu’à lui résister, et c’est ce qu’elle fit.

Pendant quelques jours, elle fut froide, inattentive, volontairement aveugle et sans mémoire. Il voulut lui parler, retrouver la minute bienheureuse, mais elle l’évitait, mettant toujours quelqu’un entre elle et lui. Alors il écrivit. Il allait porter lui-même ses lettres dans un creux de roche, près d’une source limpide qu’on appelait « le Fantôme », et qu’un toit de chaume abritait fout au fond du parc.

Sidonie trouvait cela charmant. Le soir il fallait mentir, inventer un prétexte quelconque pour venir au « Fantôme » toute seule. L’ombre des arbres en travers des allées, la nuit sévère, la course, l’émotion lui faisaient battre délicieusement le cœur. Elle trouvait la lettre imprégnée de rosée, du froid intense de la source, et si blanche au clair de lune, qu’elle la cachait bien vite de crainte d’être surprise.

Puis, quand elle était seule, quelle joie de l’ouvrir, de déchiffrer ces caractères magiques, ces phrases d’amour dont les mots miroitaient, entourés de cercles bleus, jaunes, éblouissants, comme si elle avait lu sa lettre en plein soleil. «