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de Savigny ! Ici du moins il sentait une nature peuple comme la sienne, avec un grain d’ambition et d’envie que révélait déjà dans ce temps-là, certain petit sourire en coin de bouche. En outre la fillette avait devant sa richesse des étonnements, des admirations naïves qui flattaient son orgueil de parvenu, et quelquefois, taquinée par lui, elle trouvait des mots drôles d’enfant de Paris, des expressions bien faubouriennes, relevées par sa gentille frimousse mince et pâlotte où la trivialité gardait une distinction. Aussi le bonhomme ne l’avait-il jamais oubliée.

Cette fois surtout, lorsque, après sa longue absence, Sidonie arriva à Savigny avec ses cheveux bouffants, sa jolie taille, sa physionomie éveillée et mobile, le tout agrémenté des élégances un peu apprêtées de la demoiselle de magasin, elle y eut beaucoup de succès. Le vieux Gardinois, très étonné de voir une grande jeune fille au lieu de l’enfant qu’il attendait, la trouva plus jolie et surtout bien mieux mise que Claire.

La vérité est qu’en descendant de chemin de fer, mademoiselle Chèbe, assise dans la grande calèche du château, n’avait pas trop mauvaise tournure, mais il lui manquait ce qui fait la beauté et le charme de son amie, l’habitude, le maintien, le mépris des attitudes, et surtout la sécurité d’esprit. Sa grâce ressemblait un peu à ses robes, des petites étoffes pas chères, mais taillées au goût du jour, du chiffon si l’on veut, mais un chiffon dont la mode, cette fée absurde et charmante, avait donné la nuance, l’ornement et le modèle. Paris, pour ces sortes de toilette, a des petits minois