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voix basse comme dans une église ; et sur le rebord d’une haute fenêtre, un aide-major écrivait la constatation du décès. C’est à lui que Sigismond s’adressa.

– Je voudrais bien le voir, demanda-t-il doucement.

– Voyez.

Il s’approcha du tréteau, hésita une minute, puis s’enhardissant, découvrit un visage tuméfié, un grand corps immobile dans ses vêtements trempés de pluie…

– Elle a donc fini par te tuer, mon vieux camarade… murmura Planus.

Et il tomba à genoux en sanglotant. Les officiers s’étaient avancés curieusement pour regarder le mort, resté découvert.

– Voyez donc, major, dit l’un d’eux… Il a la main fermée, comme s’il serrait quelque chose.

– En effet, répondit le major en s’approchant… Cela arrive quelquefois dans les dernières convulsions… Vous rappelez-vous, à Solférino ? Le commandant Bordy tenait comme cela dans sa main le médaillon de sa petite fille. Nous avons eu bien du mal à le lui arracher.

Tout en parlant, il essayait d’ouvrir cette pauvre main crispée et morte.

– Tiens ! dit-il, c’est une lettre qu’il serrait si fort.

Il allait la lire ; mais un des officiers la lui prit des mains et la passa à Sigismond toujours agenouillé :

– Voyez, monsieur. C’est peut-être une dernière volonté à remplir.

Sigismond Planus se leva. Comme la pièce était sombre,